Début d’année

Un chemin ! Je ne rêve pas, il y avait un chemin ! Quand tu voyages, la route ne s’arrête pas ainsi au bout d’une piste de terre battue par les vents sombres déferlant en vagues comme des broncos échappés du corral. Passe encore la tempête qui nous avait fouettés sur la fin de la chevauchée. Le chien avait souffert au point que je l’avais hissé sur mon cheval. Posé sur l’encolure comme une couverture. La tempête n’était rien tant que nous pouvions distinguer des traces pour aller de l’avant, tant que nous apercevions la masse menaçante de la Mesa fendue par le canyon dans lequel nous avions trouvé un refuge. La Mesa était une femme. La Mesa était amérindienne. Nous l’avions pénétrée dans la furie. Dans la fuite. Dans l’excès. En sueur, ensablés du désert, à la cow-boy, couverts d’une poussière lourde comme le ciel, depuis les sabots de mon cheval jusqu’au plat de mon Stetson. Mon chapeau ressemblait aux versants de la montagne tellement sa couleur avait viré du noir délavé à l’ocre poudreux. Mais mon chapeau n’était pas une femme. Mon chapeau était juste un chapeau, même si c’était un Stetson. Et sous ce chapeau, ma cervelle était aussi moite que les flancs de mon mustang. Et autour de nous, la Mesa fendue en deux par le temps nous offrait sa voie sifflant sauvagement sous l’air violent qui ne voulait pas qu’elle chante, mais qu’elle hurle. Et mon chien, mon cheval et moi, nous souffrions pour elle, pour nous, pour nos visions égarées, pour la fin du chemin. Des touffes de virevoltants nous avaient précédés. Pour rien ! Pour s’entasser contre cet éboulement imprévu. Pour se retrouver bloquées comme nous l’étions, les bêtes, la montagne et moi sans savoir qui était le plus bête. La Mesa pour s’être affaissée comme une danseuse après une nuit de folie ? Le cheval ? Le chien ? Moi ? Pourquoi déjà ? Face à un putain d’obstacle au pays du rêve américain, tu te poses des questions ? Pourquoi ? Comment ? Après ? Des questions, des questions pour t’embrouiller l’esprit bien ramolli par une traversée inachevée en passe de se conclure dans la douleur, dans le désespoir, dans l’absurde. Alors qu’il suffisait simplement d’avoir réfléchi avant, d’avoir pensé à consulter la météo puis d’avoir acheté une carte topographique au lieu de se fier à ce putain de smartphone qui ne captait aucun réseau !

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